Randonnée et bivouac dans les Ecrins
Bivouaquer au cœur de la montagne dans le Parc national des Ecrins
Voilà une expérience fascinante. C’est la découverte d’une féerie telle qu’elle existe dans les rêves. C’est une invitation au voyage, à l’onirisme permanent. Le corps et l’esprit se mêlent en symbiose face à Dame Nature qui nous ouvre généreusement ses portes. Ce n’est pas le bivouac en lui-même qui donne tout son esthétisme à cet habitat de fortune mais bien le cadre insolite qui nous enchante et nous offre de fabuleux instants.
L’équipement
Ne nous méprenons pas. A la nuit tombée, et même en été, la montagne revêt sa couverture de glace et se montre sous son aspect intrépide. Prendre l’initiative de bivouaquer dans cet univers, c’est avoir conscience de cela, il est donc impératif de se préparer de manière responsable pour que cela reste un plaisir et non une corvée faute de mieux. Il ne s’agit pas d’emporter une kyrielle de choses mais cela passe par des équipements que vous allez devoir porter tout au long de ce périple, il est primordial de voyager léger pour un maximum de confort. Bien apprêter sa nuit est vital car le confort conditionne la récupération.
Commençons par l’équipement. Bien évidemment, de bonnes chaussures de marche restent «l’outil» incontournable pour prendre du plaisir à fouler le sol montagnard, mais à cela s’ajoutent quelques «bricoles» très utiles pour améliorer le quotidien. La cape de pluie, par exemple, pour vous-même ainsi qu’un très grand sac poubelle pour votre sac. Vous n’y aurez peut-être pas pensé étant donné que vous vous êtes bien renseigné sur les conditions météorologiques avant votre départ, mais on ne sait jamais, et puis vous n’échapperez pas à l’humidité nocturne.
A présent, le matériel. La première chose à prévoir, c’est la tente. Vous penserez à la couverture de survie à mettre au sol: c’est absolument bénéfique pour préserver l’isolation. Vient ensuite le matelas, le haut de gamme serait le tapis de sol en mousse à cellules fermées car il est très confortable. Et enfin, c’est la clé de voûte d’un bivouac réussi, le choix du duvet est fondamental. Pour votre installation, veillez bien à la platitude du terrain et ne sous-estimez pas la rosée, il faut rester au chaud et au sec.
L’autre aspect incontournable, les vivres. La pompe à eau céramique est exceptionnelle à travers deux aspects pratiques: elle est petite et légère mais surtout, et c’est bien sa particularité, elle stérilise l’eau, peu importe sa provenance. En ce qui concerne la nourriture, tout ce qui est lyophilisé comme les pâtes ou la soupe, dont l’apport calorique est important, est idéal. Pensez également à vous munir d’un petit réchaud. Les fruits secs ou le pain sont conseillés, de même que les barres de céréales, parfaites pour se réapprovisionner en énergie lors des micro-pauses en pleine montée.
Petite astuce, la manière de charger les sacs. On n’y pense pas forcément mais c’est très désagréable de vider la moitié de son sac en pleine randonnée pour tenter d’atteindre le petit encas resté au fond…A bon entendeur!
Les itinéraires (2)
Le premier jour, montée au lac du Goléon:
Le départ s’effectue au hameau de Vallefroide (domaine de la Grave), sur le parking du Pré Rond (1874m).
Le sentier remonte en rive droite du torrent de Maurian, passe sous le pied du pic des Trois Evéchés avant de rejoindre le verrou d'un ancien dépôt morainique. Le lac se dissimule derrière le verrou. Retour par le même itinéraire.
Dénivelée: 564m/ Durée: 2h
Deuxième jour: Redescente puis direction le Chazelet en voiture. Cette promenade permet d’admirer la Romanche en balcon ainsi que la région des lacs. Descendez la rue principale jusqu’au télésiège puis traversez le pont qui enjambe le torrent. Prenez à gauche le GR54 en direction du plateau d’Emparis. Vous effectuez une heure durant une montée tranquille et progressive en larges lacets pour atteindre ce dernier. Le sentier se poursuit à travers une belle et grasse pelouse alpine noyée de fleurs. Continuez sur le GR54 puis traversez le ruisseau de Galan et celui de Catorgeas. Arrivé à la bifurcation, prenez la direction du col du Souchet (2365m). Au col, vous admirerez la vue sur le plateau d’Emparis. Tournez à gauche en direction des lacs, vous atteindrez le chemin des alpages. Vous apercevrez en contrebas le lac Noir. En contournant celui-ci par la gauche, vous parviendrez au lac Lerié.
Dénivelée :745m/ Durée :2H30
Troisième jour: Suivez le sentier qui longe le lac Lerié, poursuivez sur le même chemin plat jusqu’au panneau indiquant le Chazelet. Vous retrouverez le sentier initial qui descend jusqu’au parking.
Durée: 2H15
Infos pratiques(3)
Office de tourisme du pays de la Meije, route Nationale 91 05320 La Grave.04.76.79.90.05
Refuge du Goléon: Sur réservation au 06.87.26.46.54.
Texte courant
Ce moment de partage unique avec la nature offre à l’esprit une sérénité sans pareille. Cette sensation euphorisante d’appartenir à cette terre prend tout son sens, il suffit de s’offrir humblement à la nature et elle nous le rend au centuple par ses merveilles, sa grâce et sa noble grandeur. Le bivouac n’est pas uniquement une question de survie ou de récupération. Il permet de manière privilégiée d’attendre au cœur des montagnes que le soleil se couche puis se lève. La lumière, intense, y est incomparable. L’idée de s’immiscer au cœur de la nature et d’y passer la nuit peut-être absolument exaltante, surtout en été, où le charme et la douceur de la montagne nous font chavirer. A la contemplation d’une myriade d’étoiles qui s’égrène dans un ciel d’encre bleue, la nuitée se transforme en instant de grâce. C’est un peu la découverte de tout ce que l’on aurait oublié de vivre, c’est l’éveil des sens, la prise de conscience de l’existence d’un univers qu’on croirait lointain.
A travers ces itinéraires à savourer en famille, ces parcours tranquilles et harmonieux, vous entrez dans une dimension naturelle renversante. Les lacs du Goléon, Noir et Lerié en toiles de fonds sont de vraies pépites, ils magnifient ces jardins d’éden que l’on voudrait s’approprier pour toujours.
Le superbe sentier menant au lac du Goléon chemine sur les terrasses des anciennes prairies de fauche qui s'égrainent au-dessus des hameaux des Hières et des Terrasses. En août, témoins d'un passé revisité et remis au goût du jour, les motofaucheuses dansent d'une parcelle à l'autre. Dans ce lieu sublime, les champs de linaigrettes intensifient le bleu profond du lac et la vue impériale en balcon sur la chaîne de montagnes de la Meije, du Râteau et des aiguilles d’Arves. La vue vaut largement le détour. Le regard porté sur le lac, niché au cœur des montagnes, apaise le corps et l’esprit. Et là, juste derrière, une multitude de prénoms «écrits» avec des pierres témoignent du passage des hommes. C’est ce qui fait la spécificité de ce lieu insolite. De petites pierres s’égrainent à l’infini au milieu de ce paradis sur terre. Serait-ce le désir d’échapper au temps? Au-delà de l’envie de laisser une empreinte de son passage, il y a une dimension plus spirituelle, celle du souhait de l’homme de vouloir traverser le temps, de ne pas tomber dans l’oubli et d’atteindre l’éternité. C’est une volonté millénaire que de vouloir affirmer sa propre identité, l’Humanité a de tous temps cherché à traverser les siècles de cette manière. Certes, la nature est elle-même en perpétuelle évolution, ce lac que vous voyez se métamorphosera au fil du temps, mais ce qui différencie bien la nature de l’homme c’est quelque part cette dimension immortelle que l’on pourrait lui attribuer, car nous l’avons dit: la nature ne disparaît pas comme un individu particulier, elle évolue simplement. Ce spectacle est saisissant d’émotion et il faut y assister soi-même pour bien se représenter ce questionnement.
La nuit passée dans ce lieu au chant bucolique fut digne d’un conte des mille et une nuits. La vue du reflet de la pleine lune scintillant sur le lac était un instant rare, cette lumière angélique incroyable.
En plus d’offrir un panorama époustouflant sur la Meije et ses glaciers, le plateau d’Emparis est aussi riche pour la beauté et la diversité de sa faune et de sa flore.
Ainsi, on rencontre un alpage important d’ovins et de bovins. 20 000 moutons et des centaines de vaches et de chèvres le parcourent en été. Épisode inédit de cette randonnée: la rencontre en pleine nuit avec des chèvres peu farouches et curieuses qui sont venues nous saluer au pied de la tente!
Silènes Acaules, Edelweiss, Joubarbes des montagnes, Gentianes de Koch sont autant de fleurs qui se mêlent à l’herbe verdoyante et colorent le paysage de rose, de blanc de bleu. Autrement dit, cette belle palette de couleurs égaye praires, pâturages, pelouses sèches ou rocailles.
Un moment fort de ce périple: Nous avons commencé notre premier itinéraire en plein après-midi, ce qui nous a permis de croiser les randonneurs qui, ayant débuté leur randonnée à l’aube naissante, redescendaient lorsque nous, à notre tour, montions. Cela fait naître une sensation euphorisante, celle de se dire que l’on va se retrouver seul là-haut et soudain, le temps s’arrête. Cette impression de s’approprier les lieux.est unique et magique. S’il vous en prend l’envie, n’hésitez pas à sauter le pas, laissez-vous immerger en pleine nature. Inoubliable, voilà comment résumer en un mot ce type d’expérience.
© Karine Plouhinec